Créer la vie sous un toit : le défi visionnaire du Biodôme en 1992

Impossible de revisiter les grands jalons des 60 années de l’AAPQ sans s’arrêter sur un projet phare du paysage québécois : le Biodôme de Montréal. À la croisée de l’architecture, du design de paysage et de la muséographie scientifique, ce lieu unique a marqué l’imaginaire collectif dès son ouverture en 1992 et continue de le faire, plus de trente ans plus tard. Reconnue pour son audace conceptuelle, son intégration écologique et sa capacité à faire cohabiter cinq écosystèmes sous un même toit, cette œuvre incarne parfaitement l’élan novateur qui anime la profession.

Une prouesse architecturale et paysagère

Installé dans l’ancien vélodrome construit pour les Jeux olympiques de 1976 — une œuvre emblématique de l’architecte Roger Taillibert —, le Biodôme est né d’un besoin de reconversion. Peu utilisé après les Jeux, le bâtiment a brièvement retrouvé vie lors des Floralies internationales de 1980, qui y ont présenté des aménagements horticoles spectaculaires en parallèle à ceux du parc Jean-Drapeau. Cette occupation éphémère a démontré le potentiel paysager et événementiel du lieu. Dans la foulée de cette mise en valeur et de la montée des préoccupations environnementales, Montréal a choisi d’y créer un espace permanent voué à l’interprétation des écosystèmes vivants.

La transformation du vélodrome en musée vivant des écosystèmes a mobilisé une équipe multidisciplinaire remarquable, dont la firme WAA Montréal (Williams, Asselin, Ackaoui et associés) qui en a été un pilier. Sous la direction de Vincent Asselin, WAA a conçu un aménagement intérieur novateur, précurseur des parcs écologiques et éducatifs où cohabitent harmonieusement plantes, animaux et visiteurs.

Intégrer l’excellence paysagère

Pour concevoir les jardins intérieurs du Biodôme, Vincent Asselin s’est inspiré de projets de serres quatre saisons en Chine, dont un parc suspendu au 55e étage d’un édifice. Résultat : un parcours immersif à travers cinq écosystèmes des Amériques où science, éducation et émerveillement se rencontrent.

Dès son ouverture en 1992, le Biodôme connaît un succès retentissant, offrant une expérience sensorielle et pédagogique inédite, jusque dans la reconstitution minutieuse de la hutte des castors ou les plateformes surélevées traversant les cimes des arbres tropicaux. En 1993, le Biodôme reçoit une un Honneur national de l’Association des architectes paysagistes du Canada (AAPC) dans la catégorie Conception/design, en reconnaissance de son caractère exceptionnel en design de paysage.

Innovation permanente au service de la nature

L’originalité du Biodôme réside dans sa capacité à immerger les visiteurs dans cinq écosystèmes des Amériques : forêt tropicale humide, érablière des Laurentides, golfe du Saint‑Laurent et sa vie marine, monde polaire de l’Arctique et les îles subantarctiques recréés dans un seul & même lieu. L’approche multisensorielle — température, humidité, éclairage naturel — reflète un dialogue exigeant entre architecture, aménagement paysager et bien-être animal.

Avec plus de 22 millions de visiteurs depuis son ouverture et une fréquentation toujours croissante, le Biodôme s’ancre comme un bâtiment phare de Montréal et un repère international en matière de design intégré, nature et paysage.

Un héritage vivant du paysage québécois

Plus de trois décennies après son ouverture, le Biodôme de Montréal continue de fasciner par sa pertinence et sa capacité à évoluer avec son temps. Il demeure un exemple marquant de ce que peut accomplir une approche intégrée en aménagement du territoire où l’architecture de paysage joue un rôle central dans la transmission des savoirs et la mise en valeur de la biodiversité. Symbole d’une profession en dialogue constant avec les enjeux de société, ce projet emblématique incarne, encore aujourd’hui, l’ambition et la créativité qui caractérisent les membres de l’AAPQ depuis 60 ans.